4. Dynamique des écosystèmes et évolution des biocénoses

I) La notion de succession écologique, de série et de climax

Une succession écologique correspond aux transformations successives affectant les communautés vivantes d’un même biotope lorsqu’il s’y produit une perturbation.

Série évolutive ou sère = séquence complète d’une succession, caractérisée par une séquence de stades comportant chacun une biocénose particulière.

On passe successivement des stades pionniers ou “juvéniles”, à des stades transitoires puis au climax considéré comme le stade ultime d’évolution (à discuter ...). On parle aussi de trajectoire dynamique.

Il peut exister dans une région des climax conditionnés par le climat général et indépendant des conditions de milieu telles que la roche mère (= climax climatiques) exemple : chênaie atlantique de l'ouest de la France

Il peut se former également des climax stationnels (ou climax édaphiques) qui dépendent de la nature du sol. exemple : pelouses sèches sur calcaire, tourbières

Barbault (1997) : du paradigme “succession-climax”, il faut retenir la notion d’évolution directionnelle des écosystèmes vers un stade autorégulé d’équilibre sol/végétation/climat.

La notion de climax a été et reste très critiquée. Pour rester valable et mériter d’être conservée, cette notion doit prendre un aspect dynamique.

Le métaclimax correspond à une association végétale originale dans laquelle se trouvent dispersés des fragments des séries précédentes ce qui en assure l’hétérogénéïté et la diversité. exemple : une forêt parvenue au stade climax est un ensemble de parcelles d’âges différents qui ont été créées par des perturbations (vent ou feu).

Les principaux types de successions sont :

1) Successions autogéniques :

  • successions qui proviennent d’un processus biotique s’exerçant à l’intérieur de l’écosystème.
  • résultent du développement d’une communauté sur un biotope initialement perturbé et de son évolution au cours du temps vers un écosystème dont la structure et les peuplements sont de plus en plus complexes.

L’ensemble des stades successifs est qualifier de série progressive.

2) Successions allogéniques

  • Résultent de l’influence de facteurs perturbateurs d’origine extérieure à l’écosystème, exemple : incendie ou exploitation des boisements par l’homme, apport de sédiments ou de substances polluantes en milieu aquatique
  • Engendrent souvent des biocénoses instables et peuvent même parfois aboutir à la destruction totale de l’écosystème -> séries régressives dont les divers stades possèdent des peuplements de plus en plus appauvris
  • Peuvent conduire à un dysclimax, différent dans sa composition spécifique de la phytocénose initiale

Sol = produit d’altération et d’interface résultant de l’interaction entre le roche (lithosphère), l’eau (l’hydrosphère), l’air (atmosphère) et les êtres vivants (biosphère).

Jenny (1941) formalise le rôle des différents facteurs intervenant dans la formation des sols : Sol = f (R, C, B, p, t)

R = Roche mère, C = Climat, B = Biologie, p= position dans le paysage ou position topographique, t = temps

3) Successions primaires

Caractérisent l’établissement d’une biocénose climatique sur un biotope récemment formé. exemple : l’eutrophisation d’un lac provenant de la régression d’un glacier, la colonisation par la végétation d’une dune de sable vif ou d’une coulée de lave récente.

4) Successions secondaires

Concernent les phénomènes de reconstitution du climax sur un biotope antérieurement perturbé. exemple : régénération d’une forêt après l’incendie (allogène), reconstitution d’une forêt sur un champ dont la culture a été abandonné (autogène).

II) Caractéristiques des successions

On considère très généralement que le passage d’un stade pionnier ou juvénile vers un stade mature se caractérise par les transformations suivantes :

  1. Les communautés pionnières modifient le milieu exemple : formation du sol, accumulation de MO

  2. Les communautés se diversifient : apparition d’espèces à croissance plus lente et plus exigeante

  3. Les niches écologiques se diversifient par : hétérogénéisation du milieu = création d’une mosaïque de micro-habitats par les espèces pionnières + diversification des réseaux trophiques

  4. Des interactions apparaissent et s’organisent progressivement en système (boucles de régulation, cycles de matière, ...). Ce système acquiert stabilité et résilience, il devient “contrôlé de l’intérieur”. Pilotage permanent à la fois sur le milieu et sur les démographies des espèces qui cessent d’être contrôlées par les seules fluctuations extérieures à l’inverse des espèces et populations pionnières (“contrôlées de l’extérieur”) des stades juvéniles

  5. Les espèces nouvelles à stratégie “K” se multiplient. Une proportion de l’énergie assimilée est soustraite à la croissance et au renouvellement de biomasse et est consacrée à l’édification des structures complexes assurant le fonctionnement et la protection.

  6. Ces espèces sont spécialisées et tendent à échapper à la concurrence directe pour l’espace et la ressource qui caractérisait les espèces pionnières ; elles peuvent cependant devenir antagonistes (actions spécifiques inhibant les espèces voisines ou modifiant le milieu).

  7. La croissance en biomasse de la biocénose se ralentit puis atteint une valeur maximale

  8. La production brute (PB) augmente jusqu’à un maximum, puis diminue pour se stabiliser à une valeur élevée. La respiration (R) globale de l’écosystème augmente jusqu’à un maximum. La production nette (PN = PB - R) augmente jusqu’à un maximum puis diminue jusqu’à s’annuler.

  9. Le taux de recyclage de la matière devient important. Le rapport P/B diminue et se fixe à un niveau assez bas contrairement aux biocénoses pionnières. La biomasse est ainsi capable de se maintenir en circuit fermé si le flux de ressource nutritive vient à se tarir (?) -> un réseau d’espèces interconnectés et un ensemble de mécanismes stabilisent les flux de matière et d’énergie; Au cours de la succession, les cycles courts de matière ont tendance à supplanter les cycles longs : apparition d’une recyclage rapide des éléments minéraux déficitaires (azote et phosphore assimilables) (?)

  10. La diversité spécifique augmente. Les antogonismes aboutissent souvent dans un écosystème mature à une répartition de la biocénose en une mosaïque, réalisant une diversité spatiale (?)

Quelques points semblent reconnus :

  • la diminution du rapport P/B ;
  • l’augmentation de la complexité des réseaux trophiques ;
  • le rétrécissement de l’amplitude des niches écologiques ;
  • le passage de la sélection r à la sélection K.

Certains sont encore contestés :

  • l’augmentation de la diversité spécifique;
  • la liaison entre diversité et stabilité …

III) Causes des successions

Action = influence exercée par le biotope sur la biocénose (climat, érosion, sédimentation)

Réaction = influence de la biocénose sur son biotope (destruction, édification, modification)

Coaction = influence que les organismes exercent les uns sur les autres (influence des herbivores sur la végétation).

6 processus agissent pendant la succession :

  • nu dation (création sol nu),
  • migration,
  • ecesis (installation des plantes),
  • compétition,
  • réaction
  • stabilisation

Facilitation = correspond au modèle de Clements; les plantes d ’un stade prépare la venue du stade suivant par modification du biotope.

Tolérance = les plantes qui s’installent juste après les espèces colonisatrices sont capables de survivre dans un milieu appauvrie en ressources

Inhibition = action d ’une ou plusieurs espèces qui empêchent l’installation et la croissance des autres espèces.

Intervention de l’action des animaux :

  • pâturage et surpâturage modifient le tapis végétal;
  • insectes ravageurs empêche l’installation de la végétation, exemple : Pin cembro en Engadine

Action de perturbations à caractère plus ou moins catastrophiques comme le vent, le feu, la sécheresse, l’action de l ’homme peuvent intervenir sur le déterminisme des succession.

Déterminisme des successions secondaires sur les pelouses calcaires de Hautes Normandie doit être recherché dans les possibilités de dissémination des espèces végétales et leur aptitude à la compétition mais aussi des pratiques agricoles ancienne (Dutoit et Alard, 1995)

Intérêts pratiques des successions :

  • Justification des mesures prises pour la gestion de certains écosystèmes intéressants dont on veut conserver la flore et la faune
  • La notion de série progressive est utile pour prévoir tous les groupements de la série
  • On peut « connaître l’avenir d’un peuplement »
  • Connaissance des règles de succession, utile pour réhabiliter ou restaurer certains écosytèmes dégradés.